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Les alliances industrielles encouragés par Bruxelles se multiplient. Celle des batteries, première du genre a été suivie par celle des plastiques, de l'hydrogène propre et des microprocesseurs, notamment. D'autres comme l'aviation zéro carbone sont dans les cartons. Normal que le tour de l'aérien arrive puisque les alliances industrielles européennes soient très souvent qualifiées "d'Airbus de ceci ou de cela". C'est pourtant un raccourci à éviter, car elles constituent l'instrument le plus novateur et original de la politique industrielle européenne adoptée en 2020.
Le principe des alliances est de constituer des chaînes de valeur transnationales en favorisant la création de consortiums européens. Elles mettent en réseau acteurs privés acteurs publics, laboratoires et sociétés commerciales, petites et grandes entreprises pour peu qu'ils soient impliqués dans l'un de stades de l'innovation ou l'une des différentes étapes de la chaîne de valeurs considérée.
L'alliance des batteries pour les véhicules électriques réunit ainsi dans une communauté de la connaissance et de l'innovation plus d'un demi millier de participants. TotalEnergies et BMW, mais pas seulement. Elle ne vise en aucun cas à constituer, même à terme, un groupe européen unique, ou à s'appuyer sur une seule technologie. Encore moins à répartir, comme dans le cas historique d'Airbus, les morceaux de "la batterie européenne" à fabriquer ou à assembler en France, en Allemagne, en Espagne ou ailleurs.
Elle ne ferme pas non plus la porte aux investissements étrangers pour construire des usines géantes dans l'Union, ni n'empêche les constructeurs automobiles européens de collaborer avec les fabricants de batteries coréens ou japonais. Les alliances industrielles européens d'aujourd'hui ne présentent qu'une lointaine ressemblance avec leur aïeul d'il y a cinquante ans, le groupement d'intérêt économique constitué pour construire un avion européen.
Les alliances industrielles constituent l'instrument le plus novateur et original de la politique industrielle européenne de 2020.
L'originalité des alliances est de ne pas distribuer de l'argent public tout en offrant des perspectives d'en obtenir de l'Union et des Etats membres. Cette absence de guichet permet de limiter les comportements opportunistes de chasse aux subventions et de son lobbying effréné. Elle facilite ainsi la formation de consortiums pertinents d'abord sur le plan des complémentarités techniques et industrielles plutôt que des associations rassemblant avant tout des champions de nationaux passés maîtres dans l'influence politique, à Bruxelles comme dans leurs capitales. Sans argent public à se partager, l'incitation des entreprises à se découvrir, s'échanger des informations, se réunir et élaborer des projets communs innovants et risqués est faiblarde. L'astuce des alliances réside dans l'ouverture d'une voie royale pour en obtenir. Elles offrent en effet un accès plus facile et plus rapide aux différentes aides pouvant soutenir les projets d'investissement : l'aide des Etats nationaux avec un examen adapté et accéléré de leur compatibilité avec leur maintien d'un concurrence loyale sur le marché européen : l'aide de fonds européens ainsi que des prêts de la Banque européenne d'investissement. Les deux projets importants d'intérêt commun de l'Alliance des batteries bénéficient par exemple aujourd'hui d'un engagement public de 6 milliards d'euros de financement.
Les alliances industrielles européennes illustrent l'intérêt de l'implication de l'Union en matière de politique industrielle : elles permettent de coordonner les politiques nationales de limiter la compétition stérile entre les Etats à coup de subventions au détriment des voisins tout en tirant bénéfice d'une émulation entre pairs, et d'inciter au développement de relations paneuropéennes entre les entreprises. Souhaitons-leur de connaître le même succès que le "bus d'air" du ciel européen.
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