Les limites des allégements de charges sur les bas salaires

La théorie énonce depuis longtemps que, dans les pays développés, accorder des allégements de cotisations sociales aux employeurs peut réduire le chômage, surtout si ces allégements sont assis sur les bas salaires ou sur les postes non qualifiés. La mise en oeuvre de cette théorie a connu des résultats variables, ce qui nourrit de longs débats sur l’efficacité de ces mesures. La France s’est engagée dans cette voie depuis 1993, plus intensément sans doute que tout autre pays. Parce que ces allégements sont essentiellement ciblés sur les bas salaires, et pour d’autres raisons qu’on ne sait pas toutes expliquer, ils sont reconnus comme plutôt efficaces en termes de créations d’emplois. À partir d’un examen de la littérature empirique nous montrons que cela n’est pas universel : d’autres pays y ont renoncé faute de résultats. Les allégements ont de plus des coûts induits : ils réduisent les chances de progression salariale des personnes concernées, freinent l’innovation et les gains de productivité et pèsent sur la compétitivité des secteurs exportateurs. Pour cette raison, le rapport Gallois préconisait un élargissement des allégements aux salaires intermédiaires afin de cibler davantage les secteurs exportateurs et permettre leur « montée en gamme ». Cette proposition a été critiquée par de nombreux économistes, spécialistes du marché du travail, au motif que des allégements à ces niveaux de salaires se convertissent presque automatiquement en augmentation de rémunérations pour les salariés concernés, et non en créations d’emplois. Notre analyse de la littérature suggère pourtant que les évidences empiriques sont trop minces pour rejeter fermement cette stratégie.