Le paranoïaque et l’ignorant, une lecture croisée de Boltanski et Rancière. Quels êtres collectifs sont-ils compatibles avec l’émancipation ?

Le texte confronte deux lectures de la domination dont les points d’appui dans la description de la démocratie sont communs : celle du philosophe Jacques Rancière et celle du sociologue Luc Boltanski. Ils effectuent tout d’abord une analyse de la démocrati e moderne visant à en mettre en évidence la fragilité , en documentant la naissance, au XIX° Siècle, d’un « trouble », ou d’un hiatus, entre l’exercice démocratique de la critique et l’encadrement institutionnel de la réalité. De même, ils notent depuis les années 1990, sur la base de lecture de problèmes publics et d’affaires, une assimilation tendancielle de la domination au règne de la « compétence », et décrivent une substitution de la figure de l’ expert à celle du savant. Tout en constatant ces converge nces, le texte identifie une originalité de la perspective critique ouverte par ces deux œuvres, à savoir le fait qu’elles pointent le rôle clef d’« êtres de petite taille », dans ce double contexte, pour relancer la critique : « L’ignorant » chez Rancière , petit être autour duquel s’oriente sa critique de l’institution scolaire et du lycée, et le « paranoïaque » chez Boltanski, petit être autour duquel est mise en cause l’institution scientifique. C’est à un travail de confrontation de ces deux modalités d e passage au collectif que vise cette contribution. Mots – clefs : Boltanski, Rancière, démocratie, science, expertise