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Intervention de François Lévêque lors de la conférence organisée par l’Association des Economistes de l’Energie (AEE) le 24 mars
Posté le 28 mars 2022

Intervention de François Lévêque lors de la conférence organisée par l’Association des Economistes de l’Energie

Cette conférence,   organisée à l'Ecole des Mines, a réunit des économistes  de l'énergie qui s’interrogent sur les impacts que cette guerre a, et aura sur  l’approvisionnement énergétique sur l’Union européenne.

Il y a exactement un mois (24 février 2022) la guerre a commencé en Ukraine et aujourd’hui se tiennent à la fois un sommet de l’OTAN et un sommet du G7.

François Lévêque, professeur au CERNA-i3,  traite dans cette intervention des différentes types de solutions pour réduire les  importations de gaz russe à court terme.

L'embargo total immédiat fait partie des solutions évoquée par les économistes et les médias. Une des solutions envisagées pour  réduire les importations de gaz de Russie serait un embargo total immédiat  qui n’est pas raisonnable car cela nécessite, d’une part, un minimum de préparation et d’autre part, il s'agit d'un jeu et à un seul coup contrairement à une réduction partielle d’importation qui permet de réduire par pallier.

Une autre solution envisagée serait l’établissement d’un compte séquestre. Cette solution est soutenue par l’Ukraine. Les acheteurs de gaz continueraient à payer leur gaz mais les recettes seraient versées sur un compte gelé en fonction de conditions établies à l’avance. Le compte serait dégelé si un cessez le feu intervenait. Beaucoup pensent sur la Russie n’acceptera jamais les changements de conditions de paiements et l’établissement d’un tel compte. Cependant en terme de théorie des jeux c’est-à-dire d’interactions stratégiques des agents, cette solution mérite d’être étudiée de près.

Deux types d’interventions sont possibles,  à savoir : les interventions par les prix et les interventions par les quantités pour réduire les importations de gaz russe et donc surtout les recettes bénéficiant au régime de Vladimir de Poutine.

Les interventions par les prix peuvent se faire de différentes façons. Une première intervention serait l’introduction d’une taxe spécifique à l’Union Européenne. En augmentant le prix du gaz russe, la taxe aurait pour effet de diminuer les livraisons de Gazprom et de favoriser le gaz non taxé venant d’ailleurs. Moins de recettes pour Vladimir Poutine par conséquent. Les promoteurs de cette solution souhaitent que  le produit de la taxe soit reversé à un fonds de solidarité avec l’Ukraine et les réfugiés. Cependant les réflexions sur cette solution n’ont pas été poussées plus avant car vient ensuite la question du montant de la taxe et les effets sur les quantités.

Une autre solution serait une intervention publique portant sur le prix qui consisterait à fixer un plafond sur le prix des marchés de gros du gaz en Europe. Une telle mesure présente l’inconvénient majeur de réduire indistinctement les recettes des différents exportateurs, la Russie bien sûr, mais aussi l’Algérie et la Norvège. L’inconvénient serait aussi qu’il n’y a pas d’effet sur la demande. La demande sera plus forte que s’il n’y avait pas de prix plafond. Mais cette mesure de prix plafond a ,plus pour effet de protéger les consommateurs à la fois les ménages et les industries, qu’une mesure pour réduire les importations russes.

En ce qui concerne les quantités, deux solutions existent : une solution centralisée ou une solution décentralisée. Dans le cas de la solution centralisée, l’acheteur unique européen plafonnerait ses achats et redistribuerait le stock à l’ensemble des pays membres à l’instar des achats centralisés des vaccins contre le SARS-CoV-2.  La règle de répartition des quotas de gaz ne peut cependant pas être aussi simple qu’une allocation sur la base du nombre d’habitants de chaque pays comme pour le vaccin.

La solution décentralisée consisterait à une réduction d’achat de ses quantités  par chaque état en fonction de ses possibilités et de la pression de son opinion publique. Sans un minimum de coordination de Bruxelles, le pays risque d’arriver à une diminution assez faible. Il n’existe pas de solution idéale. La solution adoptée consistera probablement  en une combinaison d’instruments.

En conclusion, il s’agit d’un marchandage entre les entreprises acheteuses et le pays exportateur. Pour réussir,  il faut construire un pouvoir de marché et une coalition et une coordination entre les acheteurs. La proposition alternative devra être crédible pour que le pouvoir de négociation soit plus en faveur de l’acheteur. Les instruments, prix et taxes, devront être favorisés sans oublier d'étudier néanmoins la solution du séquestre.

Ont participé à cette conférence :  Anne-Sophie Corbeau, Research Scholar, Université Columbia ; Jean-Claude Mallet, Directeur Affaires Publiques, Total Energies, Jacques Percebois , Professeur émérite, Université de Montpellier, Georg Zachmann, Senior Fellow, Bruegel et François Lévêque, Professeur d’économie, Mines-ParisTech.

Pour en savoir plus, retrouvez l'article de François Lévêque, "Embargo total ou partiel, consommer moins… Quelles solutions pour couper dans les importations gazières de Russie ?" publié dans The Conversation

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