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Fête de la science à i3 : Vidéo sur science fiction et transhumanisme
Posté le 13 octobre 2023

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Entretien avec l'auteur (extraits de l'entretien réalisé par l'éditeur).

Votre livre porte un regard complexe sur le transhumanisme. Alors que le débat sur l'intelligence artificielle ravive aujourd'hui des peurs sur le devenir de l'homme face à la technologie, quel est votre positionnement ?

Le transhumanisme en général, ce n'est pas la bonne attaque du sujet, parce qu'il y a plusieurs formes de transhumanisme. Il faut rentrer dans les situations concrètes. Par exemple, à un moment dans le roman, il y a un personnage qui tague les affiches dans le métro et qui va être emprisonné pour cet acte subversif. Il est installé dans ce que j'appelle un transhumanisme carcéral, c'est-à-dire qu'il est enfermé dans une cellule dont les murs sont insalissables. Ni les traces de sang, ni les traces de saleté, ni les traces d'encre ne prennent sur ces murs. Il est privé d'écriture grâce à cette manipulation technologique. Et là, il y a évidemment quelque chose d'effrayant. À l'inverse, à la fin du roman, le personnage qui s'appelle Psalmonella réussit à se faire pousser des ailes grâce à une bio-ingénierie de garage. Et là, on est dans quelque-chose de l'ordre de l'hybridation, de l'animal, de la technologie et de l'humain qui pourrait être qualifié de transhumanisme, et qui pour Psalmonella, est bien le moyen de se sortir des pièges de la société.

Le parallèle avec Candide et l'optimisme est affirmé. Quel est votre rapport à la pensée de Voltaire ?

Chez Voltaire, il y a une critique de l'optimisme incarné par Pangloss : « Nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ». C'est une position qui sape à la racine la possibilité de critiquer le monde dans lequel nous vivons. Ça aboutit à cette formule extrêmement célèbre : « Il faut cultiver notre jardin ». Mais aujourd'hui, dans le monde du développement personnel, cette phrase prend un tout autre sens. Chacun cultive son jardin propre. La difficulté, c'est que la somme des progrès individuels ne nous permet pas de résoudre les problèmes des jardins communs que sont l'air, l'eau, les ressources naturelles, le rapport à la planète. En parlant de l'importance des communs, on revient à une forme plus originelle du message de Voltaire qui est bien « notre jardin ». Pour les activistes du roman, qui s'appellent les nous on, ces problèmes collectifs ne peuvent être traités qu'en sortant de ce système de réussite individuelle qui est poussé jusque dans ses retranchements les plus dangereux pour la planète par le néolibéralisme.

Ce livre valorise l'irruption du désordre au sein de notre société standardisée. Considérez-vous qu'on pourrait le qualifier de roman engagé ?

Bon, alors, je ne peux pas cacher que, outre cet acte de création fictionnel que représente Germinata, je suis par ailleurs sociologue. Il y a une dimensions que je sillonne en long, en large et en travers depuis dix ans, c'est la culture de la réussite. En tant que chercheur, je fais un effort de description des signes en circulation qui montrent cet appel à toujours être meilleur dans nos sociétés. Dans le roman, je retourne l'objet, j'en montre l'envers. La fiction me permet de reproblématiser cette culture de la réussite et du dépassement perpétuel de soi. Cela passe par le détour de l'imagination, et aussi par une pluralité de narrateurs et de personnages qui ne sont pas d'accord entre eux. Par exemple, pour les « nous on », qui travaillent dans un laboratoire de prospective, les productions de ce laboratoire ultra-compétitif sont un scandale. Elles deviennent lanceuses d'alerte. Elles font fuiter ce qui se passe à l'intérieur, au secret, et c'est ça leur acte d'activisme : rendre publiques les dérives.