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CAPITALISME Le retour du tâcheronnage par Sandrine Foulon, publié dans Alternatives Economiques
Posté le 2 janvier 2020

Article du 31/12/19, avec l'aimable autorisation d'Alternatives Economiques© 

Péché n° 6 : Avec les « slasheurs », ces travailleurs payés à la tâche qui jonglent avec les boulots et les statuts, le capitalisme renoue avec l’un de ses péchés originels.

Enchaîner les missions et les employeurs, jongler avec les factures de sa microentreprise et ses feuilles de paie de salarié… Il existe un mot tout neuf pour désigner ces travailleuses et travailleurs qui cumulent petits boulots et différents statuts : slasheur. Le capitalisme renoue ici avec l’un de ses péchés originels : ne rémunérer que l’activité purement productive. Et revenir aux XVIIIe et XIXe siècles, à l’époque de la proto-­industrie et des ouvriers payés à la pièce, travaillant depuis chez eux. Les employeurs avaient ensuite eux-mêmes refermé cette parenthèse en décidant de regrouper dans un même lieu de production ces manutentionnaires. La volonté de mieux contrôler leurs horaires et d’accroître les gains de productivité avait alors fait naître une nouvelle forme de subordination, mais aussi, avec elle, un syndicalisme et des luttes sociales à l’origine d’un droit du travail et de protections solides.

Marché du travail assoupli. C’est cette « rigidité du marché du travail » qui, depuis des décennies, est pilonnée par les promoteurs de la baisse du coût du travail. Pour ne pas avoir à s’acquitter des droits attachés à l’ancienneté (congés, formation…) ou pour répondre à des surcroîts d’activité, les employeurs ont pu compter en France sur un législateur obligeant. Intérim, CDD… Sur 45 millions de contrats de travail créés en France chaque année, 40 millions sont courts (83 % d’entre eux durent moins d’un mois). Et ce sont essentiellement des chômeurs qui les occupent : sur les 6,3 millions d’inscrits à Pôle emploi, près de 2 millions d’allocataires travaillent.

En marge de ces abonnés aux contrats précaires, gravitent d’autres tâcherons, les microentrepreneurs qui, eux, ne relèvent pas du salariat. A la faveur de la révolution numérique et d’une législation, là encore, favorable, on compte dans l’Hexagone 838 000 microentrepreneurs économiquement actifs (parmi une population de 3,2 millions d’indépendants), dont les revenus s’élevaient en moyenne à 460 euros par mois en 2016, selon l’Insee. Et c’est sans compter les nouveaux bataillons de travailleurs du clic sans statut légal. Selon une étude de Télécom ParisTech et du CNRS emmenée par le sociologue Antonio Casilli, ces microtravailleurs seraient plus de 260 000 rien qu’en France. Sans aucun statut ni aucune protection sociale, ils – ou plutôt elles, car ce sont pour beaucoup des femmes au foyer – effectuent pour le compte de plates-formes comme Foule Factory des microtâches sans valeur ajoutée (reconnaître un feu rouge sur des images, détourer un objet…), rémunérées quelques centimes d’euros versés sur un compte PayPal.

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