S’engager, bifurquer, déserter. Pragmatique des critiques et sensibilités écologiques des élèves ingénieurs

Cet article examine onze discours sur l’écologie et le changement climatique prononcés par des étudiants lors de leurs remises de diplômes (à Centrale Nantes, ENSAIA, AgroParisTech, HEC, ENSAT, Polytechnique, Mines Paris, ESSEC). Il offre une taxonomie des critiques, engagements et sensibilités explicitées dans leurs prises de position. L’analyse, d’inspiration pragmatiste, porte sur les similitudes et différences entre les discours, leur positionnent par rapport à la formation et, enfin, s’arrêtera sur le terme « bifurquer ». L’article retracera la biographie de ce terme, en montrant comment il est politisé, collectivisé, pluralisé, voire déradicalisé dans les différents discours. Cette analyse est complétée par l’étude d’articles de presse sur les discours, en particulier ceux prononcés par Clément Choisne à Centrale Nantes et par les « déserteurs » à AgroParisTech. L’article montre une première ligne de tension autour du positionnement par rapport aux problèmes écologiques : faut-il « s’écarter », « bifurquer », « déserter », « boycotter » ou changer le système de l’ « intérieur » ? Une deuxième ligne de tension est visible entre une vision de l’ingénieur comme figure moderniste – qui contrôle, qui conçoit des solutions et qui évacue toute forme de sentiment – et une vision de l’ingénieur comme une figure écologiste, qui est à l’écoute, doute, prend soin et qui explicite ses sentiments et ses attachements.