i3, une unité mixte de recherche CNRS (UMR 9217)
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Institut Interdisciplinaire de l'Innovation

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Table ronde autour de l’ouvrage Innovation Beyond Technology
Posté le 3 mars 2021

Créée en 2009 au sein de l’École des hautes études en sciences sociales, la Fondation France-Japon développe depuis plus de dix ans des partenariats publics et privés pour promouvoir les échanges en sciences humaines et sociales entre l’Europe et l’Asie.

Une table ronde autour de l’ouvrage Innovation Beyond Technology - Science for Society and Interdisciplinary Approaches a été organisée le 19 octobre 2020 par la Fondation France-Japon de l’EHESS (FFJ), en collaboration avec l’Institut Francilien Recherche Innovation Société (IFRIS) et l’Institut Interdisciplinaire de l’Innovation (i3, UMR 9217). Premier événement organisé en hybride par la FFJ, cette table ronde a rassemblé une cinquantaine de participants en présentiel dans l’amphithéâtre de l’EHESS et en ligne.

Intervenant·es et auteur·es de l’ouvrage : Sébastien Lechevalier (économiste et directeur d’études à l’EHESS), Sandra Laugier (philosophe, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) et Brice Laurent (sociologue au CSI Mines Paristech).

Discutant·es : Franck Aggeri (professeur de management au CGS Mines ParisTech), Matthieu Montalban (Université de Bordeaux) et Anne Rasmussen (historienne et directrice d’études à l’EHESS).

Compte-rendu de la table ronde

Sandra Laugier a rappelé que l’innovation a longtemps été présentée comme toujours positive mais que les scandales technologiques actuels font réfléchir à la notion de progrès scientifique et social. « Tout projet de recherche doit partir du bien-être humain souvent difficile à définir. La compétence des citoyens à intervenir sur les sujets qui les concernent semble évidente mais pas tant que cela au regard de l’ouvrage » a-t-elle conclu. À son tour, Brice Laurent a noté que l’ouvrage, soulignant une critique de l’innovation, prenait au sérieux le problème d’inégalité généré par celle-ci. Le livre décrit les styles de critiques et théories de l’innovation allant avec trois façons de penser l’innovation. Une première façon considère l’innovation comme une religion dont il faut démonter les mythes. Une seconde considère l’innovation comme générateur de débordements, avec souvent des effets néfastes et violents, comme la catastrophe nucléaire de Fukushima, mais elle suscite de la nouveauté en remettant en cause l’existant. Une troisième regarde l’innovation comme un instrument de politiques publiques et de stratégies d’entreprise conduisant à imaginer une société dans laquelle le progrès social naîtrait presque naturellement du progrès technique. Au final, chaque style d’innovation correspond à un type de société de façon implicite.

L’article de Brice Laurent consacré aux formes expérimentales de l’innovation en particulier dans l’urbanisme illustre ce propos. « À San Francisco, un accent fort est mis sur la technologie, l’usage de données en grande quantité et au fonctionnement démocratique. L’utilisation des données permet de savoir ce que « pensent » les habitants et de coupler cette pensée en temps réel avec les systèmes. Cette forme d’innovation va avec une vision de la démocratie locale centrée sur la réalisation immédiate. Les mouvements protestataires, quant à eux, ont cartographié les expulsions causées par la montée des prix due au développement technologique. Critiquer l’innovation peut consister à souligner les controverses entre différents projets de société et ainsi différencier les façons de penser l’innovation » a-t-il expliqué durant la table ronde.

Pour Anne Rasmussen, le livre présente des récits axés sur l’international avec des enjeux globaux de marchés, de politiques scientifiques, de modèles de recherche et des études de cas plus localisées notamment au Japon. La chercheuse s’est intéressée à l’article de Sayaka Oki qui « analyse le remplacement de la notion de progrès par celle d’innovation à laquelle elle assigne une portée socio politique d’inclusion sociale. Elle souligne le basculement d’un progrès cumulatif à une innovation fondée sur la discontinuité et la diversité ».

Franck Aggeri a noté que le livre constate la contestation croissante de l’innovation et propose une critique du prisme technologique et de son imaginaire. Selon lui, le livre ne contient pas assez d’expérimentations non technologiques alors que de nombreux exemples sont évoqués en introduction.

Matthieu Montalban s’est interrogé sur le terme « innovation » et se demandait s’il ne faudrait pas le substituer par « changement social ». Brice Laurent a conclu que les discussions autour du terme « innovation » dépendent de l’acceptation de ce terme et de la société qui lui correspond.Ce livre, comme a pu le rappeler Sébastien Lechevalier lors de cette table ronde, a pour but de proposer une analyse des conditions du passage d’une société techno-centrée à une société centrée sur l’homme, de discuter les aspects non-technologiques de l’innovation et de passer du concept d’innovation comme outil de compétitivité au concept d’innovation comme source de bien-être. Ainsi, il tend à démontrer que les sciences humaines et sociales ont leur rôle à jouer dans l’innovation, qui n’est jamais uniquement technologique mais également sociale. Ces recherches autour de l’innovation sociale se poursuivront dès l’année 2021 avec la constitution de l’équipe de recherche internationale triennale et le programme de recherche sur l’innovation tirée par le care, tous deux évoqués en première page de cette Lettre.

Le compte-rendu du contenu des échanges a été rédigé par Catherine Gayda, médiatrice scientifique d'i3.

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