i3, une unité mixte de recherche CNRS (UMR 9217)
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Béatrice Cointe, Chargée de Recherche CNRS, (i3-CSI, UMR 9217) a reçu la Médaille de Bronze du CNRS 2024.
Posté le 21 février 2024

Après une thèse au CIRED, Béatrice a rejoint i3-CSI en 2019. « Je me suis spécialisée en sociologie des sciences et des techniques. Je m’intéresse aux méthodes de travail des chercheurs du groupe 3 du GIEC en charge des questions d’atténuation du changement climatique et de réduction des gaz à effet de serre. Plus précisément, j’étudie la prospective socio-économique du changement climatique et la façon dont sont construits les scénarios et les outils de prospective pour évaluer les différentes options d’actions sur le changement climatique » explique la jeune chercheuse.

« Ces scientifiques cherchent à évaluer les interactions et les interdépendances entre les systèmes technologiques, économiques, humains et les systèmes environnementaux c’est-à-dire le climat, les sols, les forêts... Des modèles créés à l’origine en sciences de l’environnement mais aussi en ingénierie et de l’économie ont été adaptés aux besoins des chercheurs et du GIEC. Un vrai travail de traduction des connaissances a été réalisé » reprend-t-elle.

Ces modèles et scénarios s’appuient sur des données autant qu’ils en produisent. Les travaux de chercheurs comme Jérôme Denis ont démontré que le recueil et l’articulation des données entre elles ainsi que leur classement sont un travail politique. Dans le cas du changement climatique, cela  structure l’éventail des futurs possibles qui sont envisagés à travers les scénarios et les modèles. Béatrice Cointe s’est intéressée à l’histoire des modèles de prospective globale afin de savoir comment les représentations des choix technologiques et la remise en question de la croissance économique avaient été discutées depuis les années 70.

L’histoire de l’objectif de 1,5°C de réchauffement climatique acté lors de la COP 21 illustre très bien l’articulation parfois difficile entre les sciences du climat et les politiques du climat. Hélène Guillemot et Béatrice Cointe sur cette question ont montré que cet objectif qui semble être un objectif scientifique est avant tout un objectif diplomatique. Cet objectif a été poussé par une coalition de pays insulaires, les pays vulnérables au changement climatique et d’organisations philanthropiques internationales qui s’investissaient sur le climat. La recherche scientifique s’est développée a posteriori sur cet objectif une fois qu’il a été acté politiquement. « Le rapport du GIEC sur les 1,5 degré malgré les réticences initiales de nombreux scientifiques avait eu un rôle structurant de légitimation de l’objectif et aussi d’incitation à produire de la recherche sur ces questions à la fois sur les impacts et les politiques. Cet objectif illustre aussi une forme de codépendance entre les sciences du climat et les politiques du climat. Bien que considéré comme non atteignable car intervenu trop tard, l’objectif des 1,5°C semble nécessaire pour préserver l’élan autour de ces questions climatiques » détaille Béatrice.

« Les scientifiques se sont sentis obligés de produire des connaissances pour justifier l’objectif des 1,5°C et le politique a toujours besoin d’avoir de la production scientifique qui peut légitimer ses décisions. Les modèles ajoutent des hypothèses comme les émissions négatives permettant d’absorber les émissions de gaz à effet de serre en quantité industrielle alors que ces technologies ne sont pas disponibles à grande échelle actuellement. Des débats ont lieu sur le maintien ou non de cet objectif qui semble déjà perdu alors que d’autres scientifiques ont une approche plus pragmatique et le considèrent comme un garde-fou » résume-t-elle.

Beatrice Cointe et Antonin Pottier se sont penchés sur : « L’absence de scénario de décroissance dans les bases de données du GIEC ». Les deux chercheurs se sont posés la question en regardant le 5e rapport du GIEC. Antonin Pottier a examiné la question sous l’aspect  des techniques de modélisation et Béatrice a travaillé sur les structures de recherche. Les chercheurs ont conclu que l’absence de décroissance ne relève pas d’une impossibilité technique mais davantage que la question de la décroissance n’est pas prise en compte. Les scénarios du GIEC prennent pour acquis la croissance économique même si aujourd’hui cela commence à bouger. Les scénarios de décroissance ne sont pas simples à construire : est simplement une baisse du PIB ou bien impliquent-ils d’autres paramètres ?

« Mes travaux réalisés dans une perspective de sciences sociales pour comprendre les processus peuvent être utiles à la fois aux personnes qui s’intéressent au fonctionnement du GIEC et aussi à ceux qui élaborent des scénarios en apportant un regard réflexif permettant de mettre des choses en débat. Cela peut apporter de la transparence sur le travail du GIEC » conclut-elle.

 

En savoir plus sur Béatrice Cointe:

Un séminaire au CSI

Les travaux et le parcours de Béatrice :

 

Crédit photo : © Sylvain Golvet