Le séminaire « Expertises économiques et actions environnementales » accueillera
Kamilla Karhunmaa
Université d’Helsinki et SPIRAL, Université de Liège
et Céline Granjou
LESSEM-INRAE
Compensation carbone
Cette session explore la manière dont la compensation carbone mobilise les arguments et l’expertise de la science du sol, de l’économie et d’autres domaines pour produire de nouvelles entités et refondre la manière dont les objets existants, tels que les sols, tendent à être étudiés.
Kamilla Karhunmaa
De la charité au crime, puis à la marchandise : configurations de la forme économique de la compensation des émissions de carbone en Finlande
A l’heure où l’économie apparaît omniprésente, en particulier dans des instruments de politique environnementale fondés sur le marché, cette présentation examine comment l’économie et les économistes sont soutenus par d’autres domaines de manière à être convaincants. Je présente le cas de Compensate, un courtier en compensation carbone implanté en Finlande, qui a suscité un débat public et donné lieu à une affaire pénale et à une réforme juridique du statut de la compensation des émissions de carbone en Finlande. Suivre la trajectoire de Compensate permet de montrer comment la tangibilité, la réciprocité et la capacité de rémunération des compensations carbone sont remises en question. Ce cas démontre aussi que pour être formalisée, la forme économique de la compensation carbone nécessite un soutien institutionnel substantiel, en dépit duquel la stabilisation obtenue n’est que temporaire.
Céline Granjou
Les promesses de la séquestration du carbone dans le sol : une analyse des politiques de quantification du carbone
L’accord de Paris conclu à la COP 21 en 2015 confère aux puits de carbone, y compris dans les sols, une centralité nouvelle en tant que moyen privilégié d’assurer la stabilité du climat. Le sol, qui contient trois fois plus de carbone que l’atmosphère, est considéré comme le plus grand réservoir terrestre de carbone susceptible d’être géré et valorisé. Comment la promotion croissante du sol en tant que puits de carbone dans les politiques climatiques reconfigure-t-elle la manière dont nous apprenons à connaître et à gérer les sols ?
Je commencerai par présenter le projet POSCA, financé par l’ANR : l’équipe du projet termine une vaste enquête sociologique à la fois dans le milieu universitaire des sciences du sol et auprès d’organisations travaillant sur le terrain à l’amélioration et de la gestion des sols. Ce travail de terrain permet d’observer une démarche discutable, et contestée, visant à mesurer et à quantifier les stocks et les flux de carbone dans les sols, qui tend à réduire les sols à des réservoirs de carbone pouvant être mesurés, modélisés, cartographiés et optimisés à la fois à l’échelle mondiale et locale. Les modalités de connaissance et de gestion des sols tendent à être polarisées par une double focalisation sur le carbone (c’est-à-dire un mouvement de carbonisation) et sur la mesure (c’est-à-dire une quête de quantification). Les politiques de quantification du carbone soulèvent un certain nombre de questions pratiques et politiques, dans la mesure où la comptabilisation du carbone des sols prime sur la préservation des sols pour l’avenir, en tant qu’entités complexes, évolutives et vulnérables.