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La politique française en matière de recharge des véhicules électriques part dans la mauvaise direction
Posté le 22 janvier 2015

Un point de vue de Matthieu Glachant,  professeur d’économie à MINES ParisTech

Développer l’électromobilité dans les grandes agglomérations reste une visée majeure de la politique des transports même si les objectifs extrêmement ambitieux affichés en 2009 – 2 millions de véhicules électriques et hybrides rechargeables en 2020, soit 5% du parc – semblent aujourd’hui irréalistes. Cela suppose de déployer rapidement des bornes de recharge dans l’espace public urbain. Le mouvement ne fait que commencer, mais notre sentiment est que les collectivités et l’Etat ne partent pas dans la bonne direction.

Rappelons brièvement comment fonctionne la recharge électrique. Il est habituel de distinguer une recharge « normale » et une recharge «accélérée». La première nécessite environ 6 à 8 heures pour faire le plein avec des bornes déployées dans des espaces privés (au domicile, sur le lieu de travail) ou publics (sur la voirie, dans des parkings publics). Elle est censée assurer 90 à 95% des recharges. La seconde dure une heure pour une charge complète, et même 5 minutes pour retrouver une autonomie de 10 km. Elle joue pour l’essentiel un rôle d’assurance, en particulier en cas de déplacements non prévus.

Le coût d’un point de recharge en accès public, qu’elle soit normale ou accélérée, est au moins dix fois plus élevé que celui d’une borne installée à domicile ou sur un lieu de travail (plus de 5 000 € contre 500 €). De ce simple constat découlent plusieurs enseignements. Tout d’abord, favoriser la recharge privée doit être la première priorité des pouvoirs publics. Symétriquement, l'espace public doit être utilisé pour des bornes de recharge accélérée puisque la recharge publique normale est inutile pour les usagers disposant d'une borne à domicile ou sur leur lieu de travail. Enfin, l’accès aux bornes publiques accélérées doit être tarifé, idéalement à leur coût complet (22 € le plein), pour éviter que les usagers ayant un point privé de recharge ne viennent congestionner les bornes publiques.

Les pouvoirs publics prévoient de faire à peu près l’inverse. Ni l’Etat ni les collectivités ne subventionneront l’installation de bornes en accès privé. Les collectivités projettent toutes de déployer une part majoritaire de recharge publique normale et la tarification sera le plus souvent très faible, voire nulle… On arguera que la mise en œuvre de nos recommandations entravera le développement de l’électromobilité. C’est loin d’être évident. Il est vrai que cela dissuadera les ménages sans recharge privée d’acheter un véhicule électrique. Mais ces adopteurs potentiels ne représentent que 20% de la population d'une agglomération telle que Rouen. Il est également vrai qu’un tarif de 22 € permettant une autonomie de 150 km conduit à un coût finalement assez proche du plein d’essence. Mais rappelons que la recharge accélérée ne vise à couvrir que 5 à 10% des recharges. Enfin, l’effet dissuasif de cette tarification pourrait être compensé par des subventions à l’installation de bornes privées.

Pour  en  savoir  plus : Glachant M., Thibault M.-L, Faucheux L. (2013), « Recharger les véhicules électriques et hybrides», Presses des Mines. Avec le soutien de l’ADEME.